Un vent de restructuration souffle sur les banques tunisiennes

In English

En Tunisie, la réforme du secteur bancaire constitue l’une des priorités du gouvernement en 2015, avec au menu un ambitieux programme de recapitalisation des banques publiques et la création d’une structure nationale de défaisance.

Dans la mesure où 37% de l’ensemble des actifs bancaires sont détenus par trois banques publiques et où les prêts non productifs représentent jusqu’à un tiers de leurs prêts, la revitalisation de certaines banques publiques fait aujourd’hui figure de pièce maîtresse dans la stratégie adoptée par le gouvernement pour renforcer le secteur financier.

Si l’instabilité qui a suivi la révolution n’a eu qu’un impact limité sur les banques, d’autres secteurs de l’économie en ont subi les répercussions. C’est le cas en particulier du tourisme, en proie depuis lors à des difficultés, avec pour résultat une hausse de la proportion de prêts non productifs dans le secteur.

Selon des chiffres publiés par le FMI, quelque 54% des prêts du secteur touristique étaient en 2014 des prêts à risque, les prêts non productifs représentant un quart du total. La solvabilité du secteur est d’autant plus importante pour l’économie tunisienne que ce dernier contribuait au PIB à hauteur de 15% et fournissait 14% de l’ensemble des emplois du pays en 2013, selon le Conseil mondial du voyage et du tourisme (World Travel & Tourism Council, WTTC).

Importance systémique

Dans l’ensemble, on observe une concentration disproportionnée des prêts à risque dans le secteur bancaire public, qui totalise environ 30% de tous les prêts non productifs – soit plus du triple des 9% détenus par les banques privées.

Afin d’absorber la majeure partie de cette dette, la Tunisie s’est engagée à créer une société nationale de gestion d’actifs (SGA) – une des conditions sous-tendant l’accès au prêt dans le cadre d’un accord de confirmation du FMI qui remonte à mi-2013. Cette mesure a été accueillie par de nombreux acteurs du secteur comme un moyen pour les banques d’assainir leur portefeuille.

Le lancement de la SGA était prévu pour 2014 mais, suite à un report par le parlement, on s’attend désormais à un début des activités de l’entité cette année. Les efforts de restructuration de la SGA  devraient contribuer à réduire le ratio des prêts non-productifs sur l’ensemble de l’économie à 12%, contre 16% fin 2014.

Les efforts déployés pour réduire les prêts non productifs et améliorer l’état de santé global du secteur bancaire n’ont pas manqué d’être salués par les acteurs du secteur, dont beaucoup soulignent l’importance de renforcer la gestion des risques. « Pour purger leurs bilans, certaines banques tunisiennes ont besoin de davantage contrôler les risques et de transférer leurs prêts non productifs présentant un risque de défaut de paiement et provisionnés à hauteur de 100% à des agences de recouvrement de créances, » a déclaré Habib Chehata, Directeur Général de la Qatar National Bank Tunisie, à OBG.

Des apports de capitaux nécessaires

En parallèle des efforts déployés  pour améliorer  la qualité des prêts et le provisionnement des créances, le gouvernement cherche à renforcer les bilans des institutions publiques du pays. Deux des grandes banques publiques tunisiennes – la Société Tunisienne de Banque (STB) et la Banque Nationale Agricole (BNA) – ont besoin d’un apport en capitaux qui pourrait atteindre 1 milliard de dinars (461 millions d’euros). Cela équivaut environ à 1,2% du PIB, selon des chiffres du FMI. Il est prévu que le coût de la recapitalisation de la STB s’élève à 800 millions de dinars (369 millions d’euros),  et les besoins pour la BNA seront à peine plus petits. Parallèlement, les besoins en fonds propres de la Banque de l’Habitat sont de 200 millions de dinars (92 millions d’euros) et couverts par un emprunt subordonné à hauteur de 90 millions de dinars (41 millions d’euros), par une augmentation du capital de 50 millions de dinars (23 millions d’euros) en numéraire et une prime d'émission de 60 millions de dinars (27 millions d’euros).

Si le panachage des sources de financement mises à contribution pour cet ambitieux projet de recapitalisation reste encore à détailler, les annonces du  gouvernement ont contribué à soutenir la notation de la Tunisie en matière de crédit. Fin mai, Moody’s a révisé la note souveraine de la Tunisie, la faisant passer de « négative » à « stable » et affirmant le niveau « Ba3 ».

De plus, Moody’s a choisi de ne pas rétrograder la note de dépôt de la STB, bien qu’elle ait maintenu sa perspective « négative » au mois de mai. D’après l’agence de notation, cette décision reposait en partie sur « une très forte probabilité selon laquelle l’Etat viendrait en aide au secteur bancaire, en cas de besoin. »

Un secteur hypertrophié

Si les banques tunisiennes privées sont moins exposées aux prêts non productifs que leurs consœurs du secteur public, elles ne sont pas non plus à l’abri de changements dans les années à venir, loin de là. On dénombre des appels répétés à la consolidation, le pays affichant un secteur bancaire toujours hypertrophié, avec plus de 20 banques pour une population d’à peine plus de 10 millions d’habitants.

« L’hypertrophie du secteur bancaire tunisien entraîne des pratiques concurrentielles musclées réduisant les marges d’intermédiation des divers opérateurs, et ce dans un marché caractérisé par un manque de liquidités, » a expliqué Hicham Seffa, Directeur Général d’Attijari Bank Tunisie, à OBG.

En effet,  dans la mesure où un très grand nombre d’acteurs se partagent un petit marché où la gamme de produits est limitée, les banques se livrent majoritairement à une concurrence par les prix, ce qui se traduit par un environnement précaire de crédits bon marché et d’endettement élevé. Selon Moody’s, le ratio prêt/dépôt s’établissait l’an dernier à 114% et les liquidités restent faibles. Une série de fusions-acquisitions pourrait contribuer à alléger la pression et à remettre les banques tunisiennes sur la voie d’un provisionnement plus prudent.

 

 

Restructuring in the offing for Tunisia’s banks

En Français

Tunisia’s banking sector is one of the government’s key reform priorities in 2015, with plans for both an ambitious recapitalisation programme for state-owned banks, and the creation of a national “bad debt” vehicle.

With 37% of total banking assets in the hands of three state-owned banks and with up to one-third of their loans non-performing, revitalisation of some of the public banks has become a centrepiece of the government’s strategy to strengthen the financial sector.

While the instability following the revolution had a muted impact on banking, there have been knock-on effects in other areas of the economy. Tourism in particular has faced headwinds in the intervening years, which in turn has driven up the sector’s share of non-performing loans (NPL). 

According to the IMF, some 54% of tourism loans were at risk as of 2014, with the sector’s NPLs accounting for one-fourth of the total. The industry’s solvency is of particular economic importance, as it accounted for more than 15% of GDP and nearly 14% of all jobs in the country in 2013, according to the World Travel & Tourism Council.

Systemic importance

On the whole, risky loans are disproportionately concentrated in the state banking sector, which accounts for roughly 30% of all NPLs – more than triple the 9% held on private bank legers.

To absorb much of this debt, Tunisia has pledged to create a national asset management company (AMC) – a condition of its $1.75bn stand-by loan agreement with the IMF granted in mid-2013. The move has been widely welcomed by industry stakeholders as a way for banks to clean up their debt portfolios.

Though the AMC was scheduled to launch in 2014, it was stalled in parliament but is now expected to begin operations later this year. The AMC’s restructuring efforts should help to reduce the economy-wide ratio of NPLs from 16% at the end of 2014 to 12%.

The push to reduce NPLs and improve the overall health of the banking sector is being welcomed by the industry, with many highlighting the importance of strengthening risk management. “To alleviate their balance sheets, some Tunisian banks need more control of the risks and to transfer their classified and 100% provisioned NPLs to debt collection agencies, ” Habib Chehata, CEO of Qatar National Bank Tunisia, told OBG.

Time for a top up

Alongside the efforts to improve loan quality and provisioning, the government is seeking to buttress the balance sheets of the country’s state-owned institutions. Two of the Tunisian large public banks – Société Tunisienne de Banque (STB) and Banque Nationale Agricole (BNA) – are in need of capital injections that could reach TD1bn (€461m). This is equivalent to roughly 1.2% of GDP in 2014, according to IMF figures. STB’s recapitalisation is forecast to cost TD800m (€369m), while the needs for the BNA will be a bit smaller. The capital requirements of the Banque de l’Habitat has reached TD200m (€92m), covered by a TD90m (€41m) subordinated loan, a TD50m (€23m) cash capital increase and a TD60m (€27m) share issue premium.

Although the funding mix for this ambitious recapitalisation agenda has yet to be detailed, the government’s announcements have helped to prop up Tunisia’s credit ratings. In late May, Moody’s changed its outlook on the country’s sovereign issuer rating from “negative” to “stable”, affirming its “Ba3” grade.

Furthermore, Moody’s held back from downgrading STB’s deposit rating, although it did maintain its “negative” outlook in May. According to the ratings agency, this move was driven in part by “a very high probability that the government would extend support to the banking sector, in case of need”.

Twenty’s a crowd

While Tunisia’s private sector banks are less exposed to NPLs than their public sector counterparts, they too are likely to face changes in the coming years. There have been repeated calls for consolidation, as the country’s banking industry remains crowded, with more than 20 banks serving a population of just over 10m.

“The overcrowded situation of the banking sector in Tunisia leads to muscled, competitive practices reducing the lending spreads from the various operators in a market characterised by a lack of liquidity,” Hicham Seffa, CEO of Attijari Bank Tunisia, told OBG.

Indeed, with so many players operating in a small market with limited product differentiation, banks are largely competing on price, which has led to a precarious environment of cheap credit and high leverage. According to Moody’s, the sector’s loan-to-deposit ratio stood at 114% last year and liquidity remains tight. A spate of mergers and acquisitions could help alleviate the pressure and put Tunisia’s banks back on the path towards more prudent provisioning. 

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